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Le choc climatique

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Le passage sans transition d’un climat à l’autre produit un choc psycho-physiologique plus ou moins difficile à supporter suivant l’état de santé de chacun.

Lors de son dernier séjour à Madagascar, Gérald Durrell - célèbre zoologiste britannique - a apprécié tout spécialement l’été austral sur les hauts plateaux de l’île, notamment le soleil et la chaleur modérée régnant au sein de la grande ville de Tananarive (l’Antananarivo des malgaches). Située plus précisément sur les pentes d’une arête rocheuse, entre 1200 et 1500 mètres d’altitude, la capitale économique et administrative de Madagascar jouit, en été, d’une température agréable, sans excès.

Après avoir établi un itinéraire minutieux en vue de se procurer sur l’île quelques spécimens des espèces animales en voie d’extinction pour son zoo de l’île de Jersey, Gérald Durrell et une partie de son équipe quittent Tana et prennent l’avion à destination de Morondava , ville située sur la côte ouest (province de Tuléar).

A l’arrivée à Morondava, le choc climatique est rude. A la limite du supportable. « En descendant de l’avion, écrit le zoologiste, on se serait cru plongé brutalement dans une éponge bouillante. Après l’agréable climat méditerranéen de Tana, le contraste venait comme un choc : nos poumons protestèrent dès la première bouffée d’air humide et brûlant ; en un clin d’œil la sueur nous inonda tandis que le soleil dardait sur nous ses impitoyables rayons du haut d’un ciel blême à force d’être bleu clair. Pas un seul nuage pourvoyeur d’ombre à l’horizon, pas la moindre brise pour nous rafraîchir. Le sol desséché était tellement chaud qu’on aurait pu y faire frire une crêpe ; chaque pas représentait un effort laborieux. Ne nous restait plus qu’à rêver à ces grands ventilateurs qui font tourner leurs hélices comme des moulins à vent au-dessus de votre tête, à l’eau froide et verte des rivières, au doux cliquetis des glaçons dans un verre embué, bref, à toutes ces choses fraîches auxquelles nous aspirions de toute notre âme et que nous ne reverrions pas avant longtemps. » (1)

LE CHOC A L’ARRIVEE

La suite du récit montre que Durrell et son équipe ont trouvé assez rapidement un lieu ombragé bénéficiant d’une petite brise marine, des boissons fraîches pour se désaltérer et se réhydrater, etc. etc. Toutefois, on constate assez souvent que les choses ne s’arrangent pas aussi aisément pour bon nombre de personnes placées dans des conditions climatiques plus ou moins semblables. C’est notamment le cas pour les enfants en bas-âge, les personnes âgées et les individus fragilisés par une déficience organique spécifique au niveau des voies respiratoires, de l’appareil cardiovasculaire ou hépato-digestif, du système nerveux ou hormonal..

Conclusion : il ne faut pas oublier qu’un séjour sous les tropiques est souvent synonyme de forte chaleur.

« Les médecins ont souvent dénoncé les risques inhérents à la transplantation trop brutale d’un climat dans un autre », écrit Jean-Pierre Besancenot, directeur du Groupe de Recherche « Climat et Santé » (Faculté de médecine de Dijon). Deux spécialistes « …ont notamment étudié le « choc à l’arrivée » ressenti par les touristes européens ou nord-américains débarquant sous les tropiques. Les symptômes ont été décrits avec précision : accélération du rythme cardiaque, sudation abondante, soif intense, impression de chaleur étouffante, élévation de la température interne de l’ordre de 1,5 à 2°C, perte du sommeil et de l’appétit, sentiment d’angoisse… Tout ce tableau n’est que la conséquence d’un déséquilibre calorique, l’organisme ne parvenant pas à éliminer la totalité de sa chaleur en excès. Mais ce sont là des troubles passagers : quelques jours plus tard (deux à dix en général), tout rentre dans l’ordre. Un état d’euphorie succédant à l’angoisse initiale, le sujet transplanté, désormais acclimaté, peut profiter de ses vacances – des vacances ainsi amputées, il est vrai de plusieurs précieuses journées… » (2)

Le choc à l’arrivée est constatable également lorsque un individu résidant en plaine se trouve propulsé à la montagne en quelques heures, passant du niveau de la mer ou un peu plus à une altitude de 1000 à 2500 mètres. En l’occurrence, outre l’accélération du rythme cardiaque, le choc à l’arrivée en altitude peut être à l’origine de divers troubles : céphalées ou migraines, vertiges, sensation de froid, fringale, nervosité, angoisse, insomnie, etc.

Médicalement parlant, il est déconseillé aussi de changer de climat en période de poussée aiguë de la maladie, l’effort d’adaptation au climat demandé à l’organisme venant s’ajouter à l’effort requis pour enrayer le mal en pleine extension. Dans la mesure du possible, il serait même souhaitable de mettre à profit un moment d’accalmie de la maladie pour transporter le patient en un lieu propice au recouvrement de sa santé sur le plan climatique.

Paradoxalement, dans certains cas, la climatothérapie bien comprise consiste à recourir au choc climatique pour déclencher le processus menant à la guérison.

Judicieusement choisi et bien dosé, ce choc peut être bénéfique.

Lors d’un séjour estival en Corse, il m’a été raconté l’histoire d’un vieil homme qui se mourait lentement à Bastia, accablé par la chaleur débilitante qui s’était abattue sur la cité corse. En proie à une forte fièvre, il se mit à délirer. Le médecin de famille vint auprès du malade chaque jour, utilisa toutes les ressources de la médecine à sa disposition sans constater la moindre amélioration.

Finalement, l’homme de science insista auprès de la famille pour que le moribond soit transporté dans un village de montagne situé à quelques kilomètres de Bastia.

Et ce fut le miracle « climatique ». A six cents mètres, l’air pur, frais et tonique de la montagne corse réussit là où les médicaments seuls avaient échoué : la santé du vieil homme se rétablit peu à peu au grand étonnement de tous…

L’ADAPTATION AU CLIMAT

Le changement de région et de climat déclenche au sein de l’organisme divers processus psycho-physiologiques qui constituent ce qu’on appelle l’acclimatation.

En général, l’acclimatation passe par quatre phases successives :

  • Le choc climatique proprement dit qui dure de 2 à 10 jours

  • L’adaptation au climat qui s’étend sur une période de 2 à 4 semaines pendant lesquelles l’organisme effectue une autorégulation organique en fonction du nouvel environnement (pression atmosphérique, variations thermiques et hygrométriques, ionisation, etc.)

  • La phase d’équilibre pendant laquelle l’organisme bénéficie pleinement du changement climatique (période de 2 à 6 mois)

  • La phase de saturation après 6 mois environ, au-delà de laquelle l’organisme commence à s’habituer à son nouvel environnement climatique et auquel ne profite plus le changement.

Si divers troubles consécutifs au choc climatique persistent ou s’amplifient, si l’adaptation au climat tarde à se faire, il vaut mieux revenir à son point de départ ou consulter un médecin pour éviter une aggravation de son état de santé.

Michel BALLAIS

(1) Le aye-aye et moi p.75 – Editions Payot, 1996

(2) Climat et tourisme p. 151 – Editions Masson, 1989